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Derrière nos écrans de fumée

26 janvier 2020 sortait un documentaire donnant la parole à des spécialistes, des militants ou encore d’anciens employés des géants de la technologie. Ils sonnent l’alarme concernant certaines de leurs inventions, qui provoquent des addictions et déstabilisent les démocraties. Attention, âmes naïves s’abstenir.

L’un a inventé le bouton “like” sur Facebook, un autre a été ingénieur chez Google, d’autres encore ont œuvré au développement de marques comme Twitter, Instagram ou YouTube. Tous le regrettent et expliquent pourquoi dans ce docu-fiction signé Jeff Orlowski, mis en ligne le 9 septembre.

C’est donc avec un immense désarroi que je vous envois sur une production Netflix… Force est de constater que derrière sa schizophrénie, le géant du streaming donne la possibilité à certains créateurs de contenu de questionner notre utilisation des réseaux et de l’influence qu’ils ont sur nos choix et nos comportements.

Le reportage

Que font Internet et les réseaux sociaux à notre cerveau et à nos sociétés ? En écho à l’abondante littérature parue sur le sujet ces dix dernières années, le documentariste américain Jeff Orlowski a entrepris d’expliquer le plus clairement et le plus simplement possible les dangers induits par un usage immodéré des nouvelles technologies.

Anticipons tout de suite les critiques : une grande partie de ce que montre Derrière nos écrans de fumée (The Social Dilemma) est vraie. Rien de nouveau, mais le constat est réaliste. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Instagram, les plateformes comme Gmail ont été créés et améliorés pour maximiser le temps que les internautes y passent. On fait référence au bulles de filtres, au temps de cerveau disponible. On parle sans la citer ici d’économie libidinale, la satisfaction des pulsion en acte social au profit d’une minorité, entraînant une mutation cognitive négative (attention, connaissance, curiosité) chez le consommateur.

Comment pouvez-vous vous réveiller de la matrice si vous ne savez pas que vous êtes dans la matrice ?

Ce que décrit le reportage semble être un état de fait mainte fois démontré mais présenté ici sous une forme, serte anxiogène, mais destinée à faire un constat globale et argumenté de nos propres intérêts et d’une certaine perte de la maitrise de nos idées et de notre culture.

Ils n’ont pas du tout aimé

Peu de temps après la sortie du documentaire, Facebook a décidé de répliquer en affirmant que ses auteurs étouffaient la vérité sous une couche de sensationnalisme. « Nous devrions avoir des conversations sur l’impact des réseaux sociaux sur nos vies. Mais Derrière nos écrans de fumée occulte le fond du sujet sous du sensationnalisme » écrivait la firme dans un billet de Blog.

« Plutôt que d’offrir un regard nuancé sur la technologie, il donne une vision déformée du fonctionnement des plateformes de réseaux sociaux pour créer un bouc émissaire pratique pour des problèmes de société qui sont difficiles et complexes. Les créateurs du film n’incluent pas les points de vue de ceux qui travaillent actuellement dans les entreprises ou d’experts qui ont un point de vue différent du récit proposé par le film. »

L’entreprise s’en est également pris au documentaire pour avoir critiqué l’utilisation d’algorithmes par Facebook, tout en étant distribué par Netflix.

« Facebook utilise des algorithmes pour améliorer l’expérience des personnes qui utilisent nos applications — tout comme n’importe quelle application de rencontre, Amazon, Uber, et d’innombrables autres applications destinées aux consommateurs avec lesquelles les gens interagissent tous les jours. Cela inclut également Netflix, qui utilise un algorithme pour déterminer qui, selon lui, devrait regarder le film ‘Derrière nos écrans de fumée’, et qui le leur recommande ensuite »

Et maintenant on fait quoi ?

Le débat sur les bienfaits de la technologie sur notre société reste donc vif. Cependant il semble important de se questionner sur les formes que prennent ces technologie. Doivent-elles rester la propriété des quelques firmes hégémoniques qui les conçoivent et dont les outils financiers sont démesurés ? Ou doivent-elles, comme le souhaitaient leurs créateurs rester aux main de ceux qui les utilisent, les internautes ?

Devons-nous culpabiliser de notre consommation puisque d’une certaine façon nous en sommes partie prenante ? Somme nous victime d’un marché économique destiné à occuper un maximum de notre temps ?

Et si le moyen de retrouver un peu de cette liberté, dont le péril semble démontré dans le reportage, était simplement de réfléchir, de critiquer, de polémiquer, de lire un livre ou un journal pour en discuter, d’acheter un disque par pure curiosité pour sa jaquette sans même l’avoir écouté, de s’échanger des DVD, de ne pas avoir un avis systématique mais de laisser place à notre curiosité plutôt que de la combler par tout et n’importe quoi avant qu’elle n’arrive ?

Il semble important de laisser faire le hasard de la découverte sans suivre systématiquement une suggestion informatique.

Le web dans tout ça ne devrait être qu’un relais, un outils de partage destinés à nous rapprocher, pas à nous isoler, puisque au delà de toute considération technique, c’est bien d’isolement dont il est question ici.

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